Pascal Dusapin: Concert-rencontre avec le compositeur

Pascal Dusapin: Concert-rencontre avec le compositeur

à l’occasion de la résidence de deux ans de Pascal Dusapin à  l’Orchestre national des Pays de la Loire, l’ensemble Utopik et le département de philosophie, en partenariat avec le TU-Nantes et la Direction culture et initiatives de l’université de Nantes, consacrent un concert-rencontre à  celui qui est considéré comme l’un des compositeurs les plus importants de la musique d’aujourd’hui. élève de Messiaen, Xenakis et Franco Donatoni avant d’être pensionnaire de la Villa Médicis, Pascal Dusapin est professeur au Collège de France. Son œuvre immense, constituée de pièces pour solistes ou pour grands orchestres et d’opéras, a été récompensée à  de nombreuses reprises et a fait l’objet de commandes prestigieuses (Scala de Milan, Opéra de Paris, etc.). Sa musique possède une dimension physique, voire sensuelle, et sait s’entourer de mystère pour mieux se charger d’une douce humanité quand elle se fait atonale.

Programme du concert-rencontre:

Pascal Dusapin (né en 1955)
Ipso (1994), pour clarinette
Invece (1991), pour violoncelle
Ohe (1996), pour clarinette et violoncelle
I Pesci (1989), pour flûte

Musiciens de l’Ensemble Utopik:
– Laurent Berthomier, clarinette
– François Girard, violoncelle
– Gilles de Talhouët, flûte

Musicienne étudiante au CRR de Nantes et au département de philosophie:
– Cécile Bernard (L3), flûte

Biographie

C’est à  l’âge de dix-huit ans que Pascal Dusapin, né le 29 mai 1955 à  Nancy, écoute Arcana d’Edgar Varèse, à  l’Université de Vincennes. Sa vie bascule: il sait désormais qu’elle se confondra avec la composition musicale. Auparavant, il y eut l’éveil musical: au détour de vacances familiales un trio de jazz joue dans l’hôtel ; il en revient avec l’envie de jouer de la clarinette, son père le mettra au piano. Puis à  dix ans il découvre l’orgue, une déflagration émotionnelle qui perdurera au cours d’une adolescence chaotique et peu conforme.

à grandir entre un petit village lorrain entouré de forêts et la banlieue parisienne, il ne choisit aucune obédience et se passionne autant pour Bach
que pour les Doors, le free jazz et Beethoven, s’abreuvant des découvertes musicales propres aux années 70. Avec passion, il suivra de 1974 à  1978 les cours de Iannis Xenakis, qu’il perçoit comme le dépositaire contemporain de Varèse. Xenakis est pour lui un maître à  penser autrement, qui élargit son horizon aux mathématiques et à  l’architecture. C’est le seul enseignement que Pascal Dusapin suivra vraiment, sans doute parce que Xenakis ne lui demande rien mais lui donne toujours. Ses premières pièces, Souvenir du silence (1975), Timée (1978), trouvent l’écoute et le soutien des compositeurs Franco Donatoni et Hugues Dufourt. André Boucourechliev lui lègue de précieux conseils et des maximes qui resteront pour toujours des compagnes de route : « N’oublie jamais un instrument au fond de l’orchestre », « La sincérité n’est pas une valeur en art »…

En 1977 il remporte le prix de la Fondation de la Vocation et en 1981 celui de la Villa Médicis où il séjournera deux ans et écrira Tre Scalini, Fist, son premier quatuor, Niobé. Il reviendra de Rome plus déterminé que jamais à  vivre en composant, à  composer en vivant. A l’été 1986 il écrit Assaï pour le ballet de Dominique Bagouet, grande rencontre humaine et artistique, dont la tournée le mènera de par le monde pendant des années.
En 1986, appuyé par Rolf Liebermann, il s’engage dans l’aventure de son premier opéra, écrit en étroite collaboration avec l’écrivain Olivier Cadiot,
Roméo et Juliette : un détournement d’intrigue, de genre, une révolution musico-littéraire où le mot est choisi pour son chant et son rythme tissé au plus près d’une musique totalement débridée. La création aura lieu en juillet 1989 simultanément à  l’Opéra de Montpellier et au Festival d’Avignon, suivie d’une tournée à  l’étranger. Pascal Dusapin relie dès lors sa passion littéraire à  ses travaux opératiques. Ainsi naîtront Medeamaterial d’après Heiner Müller, créé à  La Monnaie de Bruxelles en 1991, To be sung d’après Gertrude Stein, fantastique aventure à  laquelle il associe le grand plasticien maître de la lumière James Turrell, créé en 1994 au Théâtre des Amandiers à  Nanterre, et en 2003 Perelà , Uomo di fumo d’après Aldo Palazzeschi, à  l’Opéra Bastille. Il écrit ensuite le livret de ses deux opéras suivants, Faustus, The Last Night créé au Staatsoper Unter den Linden de Berlin en 2006 et Passion inspiré par le mythe d’Orphée, au Festival d’Aix-en-Provence en 2008. Poursuivant sa mise en abyme des héros antiques, il s’attaque à  la pièce-référence de Heinrich von Kleist pour son dernier opéra, Penthesilea, créé en mars 2015 au Théâtre de La Monnaie à  Bruxelles, dont il tire également une suite pour soprano et orchestre, Wenn du dem Wind…, créée au Suntory Hall de Tokyo en août 2014.

Entrelacées dans l’écriture de ses opéras ont éclos de nombreuses pièces dont sept quatuors à  cordes (le sixième avec orchestre), d’autres partitions vocales telles La Melancholia, Granum Sinapis, Dona Eis, Disputatio, ainsi que Sept études pour piano, A Quia, concerto pour piano, sept solos pour orchestre, Go, Extenso, Apex, Clam, Exeo, Reverso (créé par les Berliner Philharmoniker et Simon Rattle) et Uncut. Ce cycle de sept formes orchestrales composé de 1991 à  2009 raconte une très longue symphonie de vie, d’émotions humaines et artistiques.

Un nouveau cycle pour orchestre, inspiré par la nature, est en cours: Morning in Long Island en sera le premier élément, suggéré par les formes du vent. Il fut créé en 2010 par l’Orchestre Philharmonique de Radio France sous la direction de Myung-Wun Chung. Parmi les dernières créations de Pascal Dusapin, on peut également citer un concerto pour violon, Aufgang, commandé par le violoniste Renaud Capuçon, et une pièce pour piano et six instruments, Jetzt genau!.

Pascal Dusapin est distingué par de nombreux prix, honneurs, récompenses dont le titre de Commandeur des Arts et Lettres en 2003, le prix Cino del Duca en 2005, le Dan David Price en 2007 et le titre d’académicien à  la Bayerische Akademie de Munich la même année, qui le voit aussi occuper le fauteuil de la Chaire Artistique au Collège de France, second compositeur après Pierre Boulez à  accéder à  cette institution. Il tirera de cette expérience et de ses conférences un livre, Une musique en train de se faire (Paris, Seuil, 2009). En 2010 et 2011 il est Gastprofessor à  la Musikhochschule de Munich.

Son engouement pour les formes de la morphogénèse, la philosophie, avec une admiration particulière pour Deleuze, la photographie, l’architecture, le théâtre de Beckett, l’œuvre de Flaubert et beaucoup d’autres, enrichit sa liberté d’invention et permet une myriade de niveaux d’écoute, de compréhension et d’émotions de ses œuvres. Il rencontre et collabore avec de nombreux artistes, conjuguant leurs différences avec sa pluralité: Sasha Waltz, James Turell, Peter Mussbach, Laurence Equilbey, l’ensemble Accroche Note, le Philharmonique de Berlin, Simon Rattle, le Quatuor Arditti.
De nouveaux projets lui font aussi intégrer l’électronique à  grande échelle dans des lieux exceptionnels comme le Grand Palais lors du Monumenta de Richard Serra ou la plage de Deauville pour le 150e anniversaire de la ville. En novembre 2011, il met lui-même en scène son cycle pour piano et baryton sur des poèmes de Nietzsche, O Mensch!, aux Bouffes du Nord à  Paris. En octobre 2014, il imagine également pour le Festival de Donaueschingen une installation visuelle et sonore, Mille Plateaux, qui voyagera entre autres au Lieu Unique à  Nantes en 2015.

Artiste singulier, Pascal Dusapin continue son voyage sonore et formel sans dogme, offrant à  travers des formes toujours diverses une musique furieusement émotive.

Irina Kaiserman



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