La normativité du sens commun

La normativité du sens commun

Numéro coordonné par Angélique Thébert.
Sommaire :

  • «La normativité du sens commun», Angélique Thébert (p. 3-12).
    Présentation du thème et des articles du numéro : invoquer le sens commun, ce n’est pas supposer un abandon de la philosophie et de la raison, mais c’est faire droit à  une conception ajustée de la rationalité humaine. Les articles ici réunis s’inscrivent dans l’approche du sens commun comme instance régulatrice.
  • «Sens commun et métaphysique selon Claude Buffier», Jean-Christophe Bardout (p. 13-31)
    Comme nombre de ses contemporains, Buffier conçoit la métaphysique comme une théorie des principes généraux de la connaissance humaine, principes sur lesquels se fondent les sciences. Dans ce cadre, il est nécessaire de considérer les vérités générales premières et leur origine, ainsi que de mettre en évidence le critère de leur certitude. Dans cette perspective, le sens commun est compris comme la source première de notre connaissance. Buffier apparaît ainsi être le premier penseur du sens commun, qu’il élève au statut de faculté cognitive pleine et entière. Le sens commun n’est plus opposé à  la métaphysique abstraite mais devient son premier opérateur.
  • «Common Sense in Reid’s Response to Scepticism», Patrick Rysiew (p. 33-47)
    Le sens commun est au cœur des conceptions épistémologiques de Thomas Reid. Pourtant, tout comme sa théorie positive, la réponse de Reid au scepticisme – ce qu’elle est censée établir et la manière dont elle le fait – est sujette à  débat. Certes, dans la mesure où elle respecte et défend notre conception ordinaire de nous-mêmes comme détenteurs de connaissances provenant d’une variété de sources, toute réponse au scepticisme relève bien du « bon sens », compris au sens large. Reste que des commentateurs récents de Reid, de même que des penseurs contemporains s’inspirant de ses conceptions, s’opposent quant au rôle que pourrait jouer, s’il en a un, le sens commun dans la réponse de Reid au sceptique, et donc sur le fait de savoir si cette réponse peut bien être dite de « bon sens » d’une manière plus substantielle. Je soutiens que même ceux qui lui accordent une place dans la défense par Reid de nos conceptions épistémologiques préthéoriques sous-estiment l’importance qu’y a le sens commun tel que le conçoit Reid. En particulier, ils omettent le fait que, pour Reid, le sens commun a un aspect irréductiblement normatif et qu’une adhésion aux premiers principes du sens commun est, pour lui, une obligation minimale à  laquelle doivent se soumettre le jugement et l’action rationnels, obligation à  laquelle même le sceptique ne peut se soustraire.
  • «Les principes du sens commun face à  la norme de l’évidence», Angélique Thébert (p. 49-70)
    Quiconque croit de manière appropriée respecte la règle de l’évidence, selon laquelle on croit que p si et seulement si l’on a des raisons suffisantes de croire qu’il est vrai que p. Sinon, le doute s’impose. Pourtant, il existe des croyances qui ne respectent pas cette règle : les principes du sens commun. Je montre que même si nous y croyons sans disposer de raisons suffisantes pour attester de leur vérité, cette attitude n’est pas intellectuellement illégitime. Ainsi, nous sommes en droit de croire que nos pouvoirs intellectuels sont fiables, à  défaut de disposer de raisons suffisantes, et même en dépit de raisons de douter. Nous n’avons pas à  choisir entre la suspension du jugement et la thèse fidéiste selon laquelle les principes du sens commun relèveraient de la foi (la foi étant alors conçue comme distincte des croyances). L’idée de Reid selon laquelle les principes du sens commun sont d’authentiques croyances auxquelles nous nous fions permet d’échapper à  ce dilemme : la foi n’est pas une réponse au doute, un saut que l’on décide de faire faute de mieux. C’est une foi primitive, sans laquelle on ne peut pas évaluer l’évidence. Il en résulte que 1) une telle foi peut être conservée en dépit de raisons de douter, car elle n’est pas acquise du fait de raisons, et que 2) la compatibilité avec les principes du sens commun est une règle doxastique qui a priorité sur la règle de l’évidence.
  • «Common Sense and Comparative Linguistics», Lucas Thorpe (p. 71-88)
    Je traite du rôle de la traductibilité dans la justification philosophique. Je présente et défends d’abord la conception que Thomas Reid se fait du rôle que peuvent jouer les faits relatifs à  la linguistique comparative dans la justification philosophique. Il estime que le sens commun offre une forme de justification fiable, quoique révocable. Pourtant, nous ne pouvons pas savoir, de manière introspective, lesquels de nos jugements relèvent du sens commun. Les jugements de sens commun étant universels, il soutient donc que la preuve la plus forte qu’un jugement relève du sens commun est qu’on le retrouve formulé dans toutes les langues : le fait qu’une distinction se retrouve dans toutes les langues prouve qu’elle relève du sens commun et n’est pas un préjugé local commun. Les travaux empiriques en linguistique comparative peuvent ainsi jouer un rôle justificatif révocable dans les arguments philosophiques. Je distingue ensuite la position de Reid de celle, plus radicale, de l’approche du Métalangage Sémantique Naturel qui, comme le fait Anna Wierzbicka, soutient que seuls les jugements traductibles dans toutes les langues naturelles sont justifiables. Cette position découle d’une conception peu plausible de la nature des concepts, quoique très répandue chez les linguistes et les chercheurs en sciences cognitives, conception qui ne fait pas de place à  de nouveaux concepts.
  • Références bibliographiques (p. 89-94)

Voir https://www.cairn.info/revue-philosophique-2021-1.htm



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